Société
Retour23 septembre 2024
Jean-Philippe Thibault - jpthibault@medialo.ca
Hommage à Esdras Minville
GRANDE-VALLÉE
©Photo HEC Montréal
Esdras Minville s’est éteint le 9 décembre 1975.
À peu près tous les habitants du secteur de l’Estran connaissent Esdras Minville, ne serait-ce au moins que par l’école et l’espace qui portent son nom dans son village natal, à Grande-Vallée.
Celui qui est qualifié de penseur, de visionnaire et d’économiste engagé a marqué son époque (1896-1975), bien au-delà de la région. Son legs est encore bien vivant pour plusieurs, en témoignent les deux récompenses remises annuellement par HEC Montréal, son alma mater, qui pour perpétrer sa mémoire décerne un prix de recherche et un autre pour honorer un professeur qui comme lui a contribué de façon exceptionnelle au rayonnement de l’institution d’enseignement.
La Société nationale Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, en collaboration avec la municipalité de Grande-Vallée et différents organismes du milieu, ont incidemment tenu à souligner son apport exceptionnel lors d’une cérémonie qui se déroulait samedi (l’année 2024 marque le 100e anniversaire de la création de la première coopérative forestière au Québec). « Personnage marquant pour le nord de la Gaspésie, Esdras Minville a laissé une contribution exceptionnelle à la société québécoise dont nous en tirons profit encore aujourd’hui », résume Sylvie Boudreau, coordonnatrice à la Société nationale Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine.
Ses débuts à HEC
Fils de pêcheur, né en 1896, Esdras Minville se forge une réputation alors qu’il est sur les bancs d’école à ce qui était encore appelé à l’époque l’École des hautes études commerciales de Montréal, qui deviendra plus tard HEC Montréal. Il y obtient sa licence avec grande distinction en 1922, remportant le prix Webster pour sa thèse sur le rôle économique de l’assurance; thèse jugée la meilleure de sa promotion. Son passage a été remarqué puisqu’il a été recruté en 1924 comme professeur à temps partiel, puis comme professeur agrégé en 1931. Dans l’intervalle, il cofonde en 1925 la revue L’Actualité économique, en compagnie notamment de Gérard Parizeau, le père de Jacques Parizeau. En 1938, il devient le premier Canadien français à diriger HEC Montréal, ce qu’il fera jusqu’à sa retraite en 1962. « Son leadership a transformé notre institution en un centre d’excellence académique et de réflexion économique. Il est notamment l’un des pionniers de la pensée coopérative à l’école », explique le directeur de HEC Montréal, Federico Pasin.
Esdras Minville a consacré son directorat – le plus long de l’histoire de l’institution – à organiser la recherche. Il propose entre autres au gouvernement un inventaire systématique des ressources de la province, qui fait l’objet d’une collection nommée Études sur notre milieu. Le tout sera publié de 1942 à 1946. « Désireux que le Québec atteigne l’indépendance économique, il contribue ainsi à la première réflexion économique de la province et devient l’une des figures dominantes de la pensée économique et sociale », ajoute Federico Pasin.
©Photo tirée de la page Facebook de Monika Tait
La cérémonie s'est déroulée samedi à Grande-Vallée.
Célébré encore aujourd’hui
Esdras Minville deviendra membre de la Société royale du Canada en 1944 et se verra attribuer six doctorats honorifiques pendant sa carrière. Son travail sera notamment remarqué par le premier ministre Maurice Duplessis, qui lui offrira le poste de ministre de l’Industrie et du Commerce; proposition qui sera déclinée. « [Son nom] évoque à la fois l’École des Hautes Études commerciales, une conception exigeante de la vie intellectuelle, le mouvement nationaliste de Montréal, la doctrine sociale de l’Église et l’amour indéfectible de la petite patrie gaspésienne », écrira Pierre Trépanier en 1995 dans Les cahiers des dix.
Roméo Bouchard va encore plus loin. « Il fut le premier économiste à prôner la libération économique du Québec […] Dans ce lieu aujourd’hui oublié qu’est la Colonie de Grande-Vallée, ce visionnaire entreprit de mettre en application avec un succès surprenant le modèle de restauration économique et politique qu’il préconisait pour le Québec, soit la prise en main locale et régionale de l’exploitation des ressources naturelles par et pour les communautés », écrit l’auteur de La reconquête du Québec: Esdras Minville et le modèle gaspésien, paru en 2011
L’homme s’éteindra le 9 décembre 1975 « en laissant derrière lui un héritage qui continue de nous inspirer dont les idéaux continueront à guider les générations futures », conclut le directeur de HEC Montréal.
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