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Retour10 septembre 2024
Jean-Philippe Thibault - jpthibault@medialo.ca
Une année morne pour les pêcheurs de crevette nordique
RIVIÈRE-AU-RENARD
©Jean-Philippe Thibault - Gaspésie Nouvelles
Seulement huit crevettiers québécois ont pris le large à la recherche de la perle rose, sur 36 permis d’exploitation.
Tel qu’anticipé, la saison de pêche à la crevette nordique a tourné au ralenti.
Seulement huit crevettiers québécois ont pris le large à la recherche de la perle rose, et seulement la moitié de ceux-ci ont fait plusieurs expéditions. Le Québec compte actuellement 36 permis de pêche à la crevette nordique. « On a des gens qui ont fait quelques voyages, puis ont arrêté. D’autres y sont allés parce qu’ils avaient d’autres pêches à faire. Mais ceux qui ont vraiment pêché pour une bonne partie de la saison, dépendamment de comment on compte, on en a trois ou quatre, ce qui est conforme à ce qu’on s’attendait », explique Patrice Element, directeur de l'Office des pêcheurs de crevette du Québec.
Conforme puisque les attentes étaient très basses. Les quotas alloués cette année sont de 3060 tonnes, comparativement à 14 500 tonnes l’an dernier. À leur sommet à la fin des années 2000, les débarquements ont atteint les 35 000 tonnes. Un frein a cependant dû être mis sur la ressource en raison de la diminution de sa biomasse, causée par plusieurs facteurs, dont le réchauffement des eaux et la diminution de son taux d’oxygène. Les quotas eux sont en baisse depuis 2010.
Mince consolation, les taux de capture ne sont pas catastrophiques, bien qu’aucune statistique officielle ne puisse être fournie à ce moment. « Ils sont probablement plus faibles que l’an passé, mais ils sont quand même intéressants. À Anticosti par exemple, on a été agréablement surpris. C’est un peu mieux que ce dont on s’attendait », note Patrice Element.
©Jean-Philippe Thibault - Gaspésie Nouvelles
Patrice Element, directeur de l'Office des pêcheurs de crevette du Québec.
« Ça demeure désastreux »
Les crevettiers du Québec pêchent dans quatre grandes zones d‘exploitation depuis 1965. D’ouest en est, il s’agit des zones de l’Estuaire, de Sept-Îles, d’Anticosti et d’Esquiman. Pour l’an dernier, en date du 15 octobre, le total autorisé des captures a été atteint à 90 % dans Estuaire, à 26 % dans Sept-Îles, à 45 % dans Anticosti et à 40 % dans Esquiman, selon la plus récente évaluation des stocks de Pêches et Océans Canada. La pêche n’était toutefois pas encore terminée à ce moment.
Dans tous les cas, la saison demeure bien morne. « Si on regarde l’ensemble de la flotte et la capacité de pêcher et transformer, ça demeure désastreux. L’industrie de la capture de la crevette nordique demeure dans une situation difficile », renchérit le directeur de l'Office des pêcheurs de crevette du Québec.
Pour l’instant, les transformateurs de Rivière-au-Renard et de L’Anse-au-Griffon – les deux derniers depuis l’incendie des Fruits de Mer de l’Est à Matane, en mars – ont pu maintenir le rythme en se tournant vers les marchés extérieurs, en important notamment de la crevette de Norvège. « Présentement, nous ce qu’on peut fournir ne suffit pas à maintenir les usines en fonction. Nos deux transformateurs québécois ont réussi à acheter de la crevette de l’extérieur, ce qui a permis de maintenir les emplois. Je ne veux pas parler en leur nom, mais il reste à voir si on va continuer à pouvoir en avoir. L’enjeu c’est la disponibilité des produits. Est-ce que ce sera encore possible l’an prochain? La question se pose », lance Patrice Element. Certains acteurs du milieu, dont la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk, ont pour leur part décidé de ne pas pêcher ni de louer leur quota de crevette nordique cette année.
Peu d’intérêt pour le sébaste
En parallèle, 60 000 tonnes de sébaste ont été autorisées à la capture commerciale dans le Saint-Laurent, après près de 30 ans de moratoire. Pour l’instant, peu de pêcheurs se sont lancé. Ils ne seraient que cinq, selon une information de Radio-Canada. « Et je n’en fais pas partie », explique Yan Bourdages, un pêcheur de Rivière-au-Renard qui a tout de même pris le mer ce printemps pour une pêche indicatrice au sébaste. Ce dernier hésite à tenter sa chance cet automne, puisque les sommes à investir sont conséquentes, d’autant plus que les mesures de gestion prévoient une pêche au chalut pélagique du 1er novembre au 31 mars, ainsi que la présence d’un observateur en mer 100% du temps plutôt que 25% actuellement.
« Juste ça, c’est entre 16 000$ et 17 000$ par mois. Si on part de zéro, on parle d’investissements entre 400 000$ et 500 000$. C’est pratiquement insupportable pour une entreprise de pêche qui sort de la crevette. Les mesures de gestion sont très contraignantes. Je songe à y aller cet automne, mais je dois voir si le jeu en vaut la chandelle », conclut le pêcheur de Rivière-au-Renard. Environ 440 tonnes de sébaste ont été capturées en date de la semaine dernière, toujours selon Radio-Canada. La pêche commerciale au sébaste s’est ouverte en juillet.
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