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28 février 2023

Jean-Philippe Thibault - jpthibault@medialo.ca

De L’Anse-à-Beaufils aux ligues majeures des affaires

PERCÉ

Julien Haroun

©Photo fournie par Julien Haroun

Le chiffre d’affaires de l’an dernier pour Believe Supplements se compte en millions de dollars et dans les huit chiffres.

C’est l’histoire d’un jeune homme, né d’un père immigrant libanais, élevé au grain dès l’âge de cinq ans à L’Anse-à-Beaufils, qui ne savait pas trop quoi faire de sa vie et qui a erré un moment sur les bancs d’école avant de trouver sa voie; sa véritable passion qui accessoirement lui fait aujourd'hui brasser des affaires qui se comptent en millions de dollars à la tête de Believe supplements, une entreprise de suppléments protéinés pour l’entraînement.

Julien Haroun n’a pourtant jamais côtoyé de près ou de loin d’entrepreneurs lorsqu’il était jeune, exception faite peut-être de quelques pêcheurs et de Georges Mamelonet, pour qui il a travaillé à la réputée Maison du pêcheur, lorsqu’il était plus jeune.

Sa famille ne roulait pas sur l’or et son père cumulait les emplois pour amener du pain sur la table. Si ce n’était pas l’abondance et l’opulence de biens matériels qui régnaient, en revanche, il n’a jamais manqué de se faire inculquer des valeurs qu’il conservera toute sa vie. « On n’avait pas beaucoup de sous, mais j’ai grandi dans une maison remplie d’amour [...] J’ai appris dès un très jeune âge que l’important c’est d’avoir confiance en tes moyens, d’être entouré de personnes qui t’aiment et te respectent et qui veulent te propulser vers le haut », explique le principal intéressé.

Le départ

 

Après une jeunesse heureuse et des études à l’école secondaire du Littoral de Grande-Rivière, Julien se dirige à Québec du haut de ses 17 ans, où il étudiera en comptabilité pendant cinq ans au Cégep de Sainte-Foy, sans toutefois obtenir de diplôme. Certains diront qu’il faut bien que jeunesse se fasse – ce qui est vrai – mais la vérité est que le Gaspésien n’a jamais vraiment eu la fibre académique.

« J’ai jamais été capable de me concentrer dans une classe. J’ai toujours été fasciné par ceux qui pouvaient. Je n’étais pas dérangeant ni en déficit d’attention, j’ai juste toujours compris que si quelque chose m’intéressait pas, je n’allais pas écouter », explique-t-il candidement.

La résultante est qu’il finira par abandonner ses cours par un après-midi pluvieux, alors qu’il était encore une fois en retard pour un devoir à remettre, en fiscalité. Ses présences en cours étaient de plus en plus espacées et son intérêt était directement proportionnel au nombre de cours auquel il assistait. Il appelle donc son père pour l’en informer, un peu soucieux de sa réaction. « C’était l’heure d’arrêter tout ça. J’ai l’ai appelé pour lui dire que je quittais et sa réponse a été : "Enfin, c’était l’temps!". J’avais maintenant 22 ans, sans carrière de tracée, sans repère, sans objectif. Tout ce que j’avais c’est une passion pour le fitness, mais j’ignorais où ça pourrait me mener. »

Pour la petite histoire, son père est l’ex-journaliste Thierry Haroun, qui habite toujours en Gaspésie, aujourd’hui directeur de circonscription pour la députée et ministre Diane Lebouthillier. Quant à Julien, son penchant pour le fitness l’amènera bien plus loin qu’il ne l’aurait sûrement jamais imaginé.

La passion et les dettes

 

Début vingtaine, Julien Haroun carbure donc à l’entraînement, de 7 à 10 fois par semaine. Sa vie tourne autour de deux axes : son travail dans un restaurant sur Grande-Allée et le fitness. Jusqu’au jour où il est subitement remercié, conséquence d’une prise de bec avec une cuisinière. Son monde s’écroule en une seconde, au point où il avouera candidement en avoir pleuré en constatant l’abysse sous ses pieds. Mais quand la vie vous envoie des citrons, mieux vaut en faire de la limonade. Un déclic se fait dans son esprit.

« J’ai réalisé que si on peut échouer dans une job qu'on aime semi, pourquoi pas y aller all in dans quelque chose qui nous passionne vraiment? » En parallèle de son emploi de serveur, sa page Instagram au départ secrète, FittAddict, qui attirait 1000 abonnés, gonfle peu à peu pour atteindre les 5000; un chiffre enviable à l’époque où les réseaux sociaux étaient beaucoup moins développés qu’aujourd’hui.

Assez pour qu’on lui offre une première commandite dans le monde du fitness afin de devenir ambassadeur de marque pour un produit pré-entraînement. Il plonge dans l’aventure à 100%.

En mai 2014, il se lance dans le coaching en ligne. En quatre mois, ses programmes lui ont permis d’engranger ... 2000$. Pas le résultat escompté. Avec ses dettes d’étude et ce lancement chancelant, il cumule alors 70 000$ de dettes. Il décide alors de changer l’orientation de ses activités vers les suppléments de protéines, très en vogue dans le milieu et qu’il consomme depuis ses 19 ans. Il perd cependant un autre 17 000$ après un an. Faites le calcul.

Julien décide alors de lancer un nouveau produit. Lors d’une rencontre avec un fabricant, ce dernier lui demande tout bonnement combien il veut payer pour la recette qu’il a développée. Ce qui le fait sourciller, puisqu’à ses yeux sa recette devrait avoir un prix fixe selon ses composantes de base. Quelques recherches lui montreront rapidement que la réalité est cependant un peu différente. Les plus intéressés peuvent ici aller lire sur l’amino spiking.

« J’ai constaté qu’il y avait beaucoup de mal pratiques dans la fabrication des protéines. Disons juste que le contenant du produit et le contenu sont assez différents. C’était répandu dans l’industrie. Moi, je suis une personne intègre et je ne veux pas vendre quelque chose qui pour moi ne devrait pas être sur le marché. J’ai tiré la plug et je me suis posé des questions. J’en ai fait ma mission, de mettre sur pied la marque la plus transparente au monde, qui lance des produits innovants et qui surtout respecte le consommateur », explique-t-il.

De là est né Believe Supplements, qu’il fonde avec Maxime Germain. Ce dernier est alors directeur des ventes pour une autre grande compagnie et a aperçu le Gaspésien sur les réseaux sociaux. D’inconnus, ils deviennent rapidement partenaires d’affaires, où la transparence et l’intégrité sont toujours les règles d’or. Les ventes initiales sont bonnes, mais pas assez pour se propulser et faire compétition à un marché déjà sursaturé.

La réussite

 

Une idée simple pour se démarquer leur ouvrira cependant les portes de tous les centres d’entraînement au pays, soit celle de séparer les protéines – au goût neutre – aux différentes saveurs. Une façon de varier les plaisirs à tous les jours ou encore de protéiner n’importe quelle recette sans en altérer le goût. Lors d’une foire commerciale à Toronto, un client teste le produit et achète un lot de 1000 pots, alors qu’ils n’en n’ont alors jamais vendu plus de 100 dans le même mois.

Cette petite révolution dans le milieu les catapulte au-devant de la scène et les produits s’écoulent de plus en plus vite. The rest is history. La construction d’un entrepôt de 6000 pieds carrés à Blainville est lancée en août 2019. Believe Supplements devient rapidement l’un des plus gros joueurs au Canada et est dans toutes les grandes chaînes, avec plus de 400 points de vente d’un océan à l’autre. L’entreprise vient de faire une percée sur le marché américain en décembre et compte maintenant une trentaine d’employés. Le chiffre d’affaires de l’an dernier se compte en millions de dollars, dans les huit chiffres.

Julien Haroun

©Photo fournie par Julien Haroun

Jonathan Huberdeau et Julien Haroun au Saddledome de Calgary, l'amphithéâtre des Flames.

Huberdeau et McLaren

 

Certains l’ont peut-être vu sur les réseaux sociaux; une vidéo de Jonathan Huberdeau et de Julien Haroun sur la glace du Saddledome de Calgary, lieu de rencontre des Flames de Calgary.

C’est que le hockeyeur, l’ami d’un ami, est devenu un collaborateur dans l’entreprise. Ce qui n’était au départ qu’une idée farfelue est devenue réalité et le joueur des Flames s’est occupé de réserver l’amphithéâtre pour une vidéo promotionnelle.

Avec un autre associé, Vincent Giguère, Julien Haroun est aussi devenu importateur nord-américain exclusif des produits automobiles de l’écurie de Formule 1 McLaren. Sans mauvais jeu de mots, les affaires roulent bien pour celui qui revient toujours de temps à autre dans sa Gaspésie natale.

Aujourd’hui, celui qui est lui-même devenu entrepreneur partage ses expériences via son podcast Journal d’un entrepreneur, devenu numéro un franco dans la catégorie entrepreneurship et affaires sur Apple podcasts. Décidemment, le jeune homme de L'Anse-à-Beaufils en a fait du chemin depuis qu'il a quitté sa région.

« Jamais je n’aurais pu imaginer ça. Tant mieux si je peux partager mon histoire et envoyer un message aux jeunes de la Gaspésie que ce n’est pas parce qu’on vient du fin fond de Percé qu’on ne peut pas réussir. Tant mieux si je peux servir de lumière pour d’autres qui comme moi n’ont jamais eu d’entrepreneurs autour d’eux. Si tu as le courage et la volonté, tu peux réaliser de grandes choses. Il faut le faire et ne pas hésiter. C’est possible si on y met tout son cœur », conclut-il sagement.

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