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13 février 2023

Jean-Philippe Thibault - jpthibault@medialo.ca

Ève Côté, une histoire de famille

MONTRÉAL

Ève Côté

©Jeremy Dion - Gaspésie Nouvelles

Ève Côté était à l’Olympia le 1er février pour sa première médiatique.

Celui qui ne sait pas d’où il vient ne peut savoir où il va, a dit un jour Otto von Bismarck, un ancien homme d’État prussien.

On ignore si Ève Côté en a fait un mantra, mais la citation lui sied à merveille. L’humoriste gaspésienne vient tout juste de lancer son premier one-woman-show à l’Olympia de Montréal, qui peut accueillir jusqu’à 1200 personnes. Intitulé Côté Ève, le spectacle fait la part belle à ses nombreux souvenirs familiaux et les anecdotes gaspésiennes s’accumulent à un rythme effréné. Les gens de Gaspé seront en eaux connues, avec plusieurs clins d’œil amicaux aux lieux de son enfance, mais surtout aux personnages qui les ont habités. Certains diront un hommage à ce temps révolu qu’étaient les années de son enfance.

« Je suis la fille qui va sculpter, qui va travailler et s’organiser pour que tous les bouts de laine fassent un tricot. Mais la laine, ce sont mes parents; mon bagage familial. Je n’ai aucun mérite. Je ne suis que la fille qui exploite tout ça. Je prends le temps de le faire, mais en même temps ça ne m’appartient pas. C’est mon devoir d’en faire un tricot, mais la laine arrive naturellement », expliquera-t-elle le lendemain de sa fort courue première médiatique.

Encore aujourd’hui, la famille est d’une importance capitale pour Ève Côté. Et vice-versa. Plusieurs d’entre eux ont fait le trajet de la Gaspésie afin d’assister à cette première médiatique, ce qui n’a pas manqué de réjouir la principale intéressée, émue d’avoir pu partager ce moment privilégié avec les siens.

« D’avoir tout mon monde de la Gaspésie, ma base qui était là au jour 1 quand je racontais des jokes sur le boutte d’une table, avec mon frère [Jean-Michel Côté] avec qui j’ai écrit la genèse de ce show-là pendant une fin de semaine au camp de chasse, c’était fou! C’est un rêve qui se réalise », s’exclame-t-elle.
Lui aussi bien connu à Gaspé, Jean-Michel Côté a été de la première heure pour la rédaction du spectacle. Il signe officiellement les textes de sa sœur en compagnie de Danis Durocher, Jean-Christian Thibodeau et Julien Pelletier. Il a d’ailleurs reçu lui aussi sa plaque Billet d’argent de l’ADISQ certifiant la vente de 25 000 billets.

Ève Côté

©Archives - Gaspésie Nouvelles

Ève Côté lorsqu'elle faisait les premières parties de Lise Dion.

Gravir les échelons

 

On peut dire qu’Ève Côté en a fait du chemin depuis le temps où elle faisait les premières parties de Lise Dion. À l’époque, en juin 2015, la jeune humoriste qu’elle était avait fait la une du défunt hebdomadaire Le Pharillon, aujourd’hui métamorphosé en Gaspésie Nouvelles. À ce moment, ce n’est que furtivement qu’elle osait se projeter dans le futur afin d’avoir son propre one-woman-show.

« Ce ne sera certainement pas avant cinq ans. Présentement, j’écris plein de matériel et je planche sur quatre ou cinq numéros. Ce sera par la suite la route des bars et des événements corporatifs pour roder le plus de stock possible, et pour trouver mon public en même temps car je ne suis pas connue. Ça va m’aider à trouver mon style, pour quand je vais sortir mon show », expliquait-elle dans l’édition du 6 juin 2015.

Certaines citations vieillissent mal. « Je ne suis pas connue » venant de la bouche d’Ève Côté en est un exemple. Elle a déjà vendu 30 000 billets pour son actuel spectacle alors que celui Su’l gros vin avec Les Grandes Crues et son acolyte Marie-Lyne Joncas a atteint la barre des 130 000.

Elle anime aussi La gang du matin à Rouge FM avec Marie-Josée Gauvin et Pierre-François Legendre, ce qui lui a d’ailleurs valu une nomination au Gala Les Olivier dans la catégorie Capsule ou sketch radio humoristique de l’année. Elle a aussi animé Roast Battle : le grand duel sur les ondes de Noovo en plus de participer au Maître du jeu. La populaire émission pilotée par Louis Morissette a aussi récolté une nomination aux Oliviers.

Bref, son ascension a été rapide dans les dernières années et elle est maintenant une figure bien établie dans le milieu. Malgré un curriculum vitae qui donne le tournis et la quantité de salles affichant complet dans les prochains mois – une vingtaine – elle ne s’impose pas de stress supplémentaire de performance. « Des fois j’y pense, mais je ressors de là assez vite, c’est trop stressant. Je veux juste être Ève Côté qui fait des blagues et qui vit le moment présent. »

Le chemin pour s’y rendre a par ailleurs été parsemé de détours et c’est peut-être ce pourquoi elle profite aujourd’hui autant de son succès. Après avoir terminé son baccalauréat en communication à l’Université Laval et obtenu un certificat en gestion des ressources humaines, elle a travaillé pendant un an pour une firme de communication dans sa ville natale de Gaspé avant de plaquer son emploi pour retourner sur les bancs d’école.

Fraîchement arrivée à Rimouski en Techniques policières, elle s’est inscrite à Cégep en spectacle, remportant la compétition. Elle a participé en 2012 au Tremplin, le Festival de la chanson et de l’humour de Dégelis, qu’elle remportera également. C’est à ce moment qu’elle décide de sauter à pieds joints dans l’humour et quitte son cours, direction l’École nationale de l’humour.

 

À sa sortie, pendant la tournée des finissants, elle se fait remarquer par un certain Daniel Senneville, le gérant de Lise Dion. Après un spectacle, il entre en contact une première fois avec la Gaspésienne pour lui faire part de son intérêt en lui proposant de devenir son gérant. « J’ai toujours consommé l’humour de Lise Dion, c’est vraiment mon top en humour au Québec. Je capotais d’avoir le même gérant qu’elle, même si on m’avait dit qu’elle n’a pas de temps pour aider et travailler avec la relève », expliquait-elle à ce moment dans les pages du Pharillon, ajoutant qu’elle espérait un jour pouvoir vivre de son art.

Sur les bancs d’école, elle a aussi connu une certaine Marie-Lyne Joncas, qu’elle contactera afin de l’aider à remplir un contrat pour un spectacle-bénéfice d’une heure à Sainte-Anne-des-Monts au profit des Centres d’aide aux agressions sexuelles. Disons simplement que la collaboration a duré plus longtemps que prévu, ce qui débouchera sur le duo Les Grandes Crues et tout ce qui s’en est suivi. Comme disent les anglais, the rest is history.

Un rêve qui se réalise

 

À la fin de sa première à l’Olympia, les spectateurs réunis lui avaient réservé une ovation debout. La glace est maintenant brisée et suivra une tournée aux quatre coins du Québec. Comment a-t-elle vécu ce moment?

« Je me lançais complètement dans le vide après le succès des Grandes Crues. Veut veut pas, la comparaison va venir, c’est immanquable. Mais de voir la réaction du public, je capotais! À deux, tu manques un mot, l’autre te rattrape. Seule, c’est sans filet, mais en même temps la liberté vient avec et je l’embrasse de plus en plus. C’est enivrant. Si tu tournes à gauche, tu décides et tu le fais », analyse-t-elle.

Joël Legendre à la mise en scène l’a d’ailleurs poussée à aller au bout de son projet et de présenter un spectacle à l’image de ce qu’elle avait toujours imaginé. Un peu de chant pour lier les numéros, un peu de danse, un accessoire scénique grandeur géant, un clin d’œil à Radio-Gaspésie, un hommage à sa Gaspésie natale et à ses parents, à peu près tout y est, sans compromis.

« Ça ressemble aux shows d’humour que j’écoutais dans le temps comme Dodo [Dominic Michel] ou La Poune. C’est ce que je voulais. Je ne voulais rien savoir du tabouret avec un verre d’eau. Il y en a trop. Je veux que les gens vivent de quoi. C’est le produit que je voulais vendre. Ça se peut qu’il y en ait qui se demandent ce qui passe, mais dans ma tête ça va vite, d’un bord pis l’autre, et on le reproduit sur scène.

Jean-Michel Côté

©Jean-Philippe Thibault - Gaspésie Nouvelles

Jean-Michel Côté a collaboré à l’écriture du spectacle de sa soeur, ce qui leur a déjà valu un plaque argentée de l’ADISQ certifiant la vente de 25 000 billets.

Quand j’ai fait ma première heure au Bordel Comédie Club, j’ai envoyé le vidéo et Joël m’a dit vers quoi il voulait amener le show. Sa vision m’a épatée et c’est un génie de la mise en scène. J’ai adoré travailler avec lui. C’est beau d’avoir un humour imagé, mais encore faut-il avoir la même image. J’ai l’impression qu’on avait la même vision globale du show. Il m’a permis de me dépasser. Sans lui, je ne serais pas allée aussi loin. »

Près de huit ans après avoir fait, la première partie de Lise Dion, Ève Côté peut finalement cocher cette case dans la liste de vie. « C’était vraiment un point sur ma bucket list. Quand je suis partie de Gaspé, c’était pour faire un one-woman-show. Je l’ai déjà raconté souvent que Les Grandes Crues était un peu comme un accident de parcours. C’est cliché, mais quand j’étais jeune j’étais la petite fille tache qui racontais des jokes et qui rêvait à ça. Maintenant, c’est fait!

Cette première à l’Olympia était officieusement sa 40e représentation, ayant rodé ses numéros à 39 autres occasions avant le grand soir, où étrangement elle était très sereine et très calme. « C’est bizarre à dire, mais j’avais un calme olympien. Je me suis dit que j’étais faite pour ça, monter sur scène. J’étais complètement groundée. J’avais hâte de partager mon spectacle. Je me suis demandé ce que les critiques allaient dire, mais après avoir pensé à ça toute la journée, une heure avant le show, j’ai plutôt pensé : "ils diront ce qu’ils voudront, je suis contente de mon show." Avec le feeling que j’ai eu hier soir [mercredi] en sortant de scène, moi j’ai eu une ostie de belle soirée et rien va pouvoir m’enlever ça! J’ai eu la meilleure première médiatique que j’aurais pu penser! », se réjouit-elle.

Et le lendemain, toute sa famille était à ses côtés pour célébrer la Chandeleur, jouer aux cartes, sabrer le champagne, profiter de la vie; de ces moments trop peu nombreux et qui sait, peut-être ajouter des anecdotes de son histoire familiale pour perpétrer cet hommage humoristique d’une femme qui n’a jamais oublié d’où elle vient  pour tracer la voie d’où elle se rend.

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