Politique
Retour19 août 2022
Jean-Philippe Thibault - jpthibault@medialo.ca
Entretien avec Justin Trudeau
NEW RICHMOND

©Jean-Philippe Thibault - Gaspésie Nouvelles
Justin Trudeau a entamé sa journée à la Ferme Bourdages de Saint-Siméon-de-Bonaventure.
Le premier ministre du Canada était de passage dans la Baie-des-Chaleurs, hier. Le Gaspésie Nouvelles l’a suivi pendant sa tournée avant de s’entretenir avec lui en fin de journée. Compte-rendu.
Aucune annonce officielle n’était au programme en ce jeudi humide. Justin Trudeau, qui pendant toute la journée était accompagné de la députée Diane Lebouthillier, voulait reprendre ses habitudes et aller à la rencontre des entrepreneurs et des travailleurs.
« C’est un besoin et un désir de pouvoir sortir après deux ans de pandémie. C’est une chose de faire des annonces, mais ç’en est une autre de voir les impacts sur le terrain; de savoir comment les gens vont, comment la reprise se passe et quels sont les défis comme celui de la pénurie de main-d’œuvre. C’est la job d’un député et celle d’un premier ministre », expliquera-t-il à la fin de sa journée de travail.
Celle-ci a débuté en fin d’avant-midi à la Ferme Bourdages, à Saint-Siméon-de-Bonaventure. Les propriétaires Pierre et Jean-François Bourdages ont fait visiter une partie de leur domaine bicentenaire, avant que le premier ministre n’aille à la rencontre de nombreux visiteurs, surpris de leur rencontre impromptue. Nul besoin de préciser que les égoportraits ont été populaires.

©Jean-Philippe Thibault
Les visiteurs étaient nombreux à vouloir s'entretenir quelques instants avec le premier ministre.
Le directeur général du Groupe Unipêche, Gino Lebrasseur, a profité de l’occasion pour glisser un mot au premier ministre à propos des embûches bureaucratiques à propos du partage des travailleurs étrangers. Le groupe de transformateurs de fruits de mer en emploie 140 dans l’ensemble de ses sept usines en Gaspésie et sur la Côte-Nord, principalement du début du mois d’avril à la fin du mois de juillet. « Ce qu’on aimerait, c’est que ces travailleurs puissent ensuite se diriger ailleurs et qu’ils restent le plus longtemps possible. C’est certain qu’ensuite à leur retour dans leur pays le mot se passerait et on deviendrait de plus en plus attractifs », explique Gino Lebrasseur.
Pierre Bourdages indiquait aussi récemment que certaines de ses fraises pourraient ne pas être cueillies cet été par manque de main-d’œuvre.
Invité à développer sa pensée sur cet enjeu, Justin Trudeau a reconnu que le processus administratif pourrait être simplifié, mais que des démarches sont faites en ce sens actuellement. « On peut l’améliorer et on est en train de le faire. Le monde change. Il manque de travailleurs et on a besoin d’en amener. Mais pas seulement de façon temporaire; pour s’installer et faire partie de la communauté. On est en train d’essayer de simplifier tout ça, en s’assurant de respecter les droits et la qualité de ceux qui viennent ici. On doit avoir des balises et des vérifications pour éviter les abus, ce pour quoi ça prend de la paperasse. Mais on comprend que ça prend plus de monde. »
Sur ce point, Diane Lebouthillier rappelle du même coup que depuis 2020, les employeurs peuvent travailler conjointement pour un transfert de travailleurs étrangers en faisant une demande d’Évaluation de l’impact sur le marché du travail (EIMT). « Il y a un travail pour faire connaître ce qu’on a mis en place pour que les entreprises collaborent entre elles pour le prêt d’employés », reconnaît-elle.
Après un dîner au Fin Gourmet, un petit groupe de militants écologistes d’Environnement Vert Plus (EVP) a abordé le premier ministre afin de lui demander d’intervenir pour la sauvegarde du caribou dans les Chic-Chocs, eux qui ne sont plus qu’entre 32 et 36. Le ministre fédéral de l’environnement, Steven Guilbeault, a envoyé récemment une missive à ses homologues de Québec pour leur signaler son intention d’intervenir pour la protection du caribou, estimant que la province n’en faisait pas assez. EVP rappelle qu’il a l’obligation d’imposer un décret en vertu de la Loi sur les espèces en péril pour protéger les superficies de forêt nécessaires à la survie du caribou de la Gaspésie. « On n’a pas eu de délais par rapport à l’émission du décret alors on est à la même position qu’en avril. On l’attend avec impatience pour arrêter les coupes dans la zone d’habitation périphérique du caribou. On espère que la visite d’aujourd’hui va aider », explique le porte-parole Pascal Bergeron.
Plus tard en entrevue, Justin Trudeau a indiqué que son gouvernement était bien au fait du dossier. « On est prêts à faire ce dont on a besoin. L’idéal serait de pouvoir s’arranger avec Québec. On a toujours espoir de pouvoir arriver à quelque chose, bientôt. On a besoin d’une approche compréhensive et responsable. Je pense qu’on va pouvoir y arriver. » Le premier ministre n’a cependant pas osé se mouiller pour les délais, ajoutant que « on comprend que ça presse ».

©Jean-Philippe Thibault - Gaspésie Nouvelles
Le porte-parole d'Environnement Vert Plus, Pascal Bergeron, a interpellé Justin Trudeau à propos de la sauvegarde des caribous dans les Chic-Chocs.

©Jean-Philippe Thibault - Gaspésie Nouvelles
Des visites chez Fabrication Delta et GD Rail se sont tenues en après-midi.
Dans l’après-midi, toute l’équipe s’est rendue chez Fabrication Delta, spécialisée dans la fabrication de tours d’éoliennes et de structures lourdes d’acier, ainsi que chez Rail GD, qui évolue dans la refonte et la mise à neuf de trains. Travailleurs et dirigeants ont été rencontrés. De mémoire d’homme, il s’agissait de la première fois qu’un premier ministre canadien en fonction se rendait à New Richmond.
C’est la troisième fois que Justin Trudeau était de passage en Gaspésie depuis son accession à la tête du pays. Il était venu à Gaspé en 2021 pour annoncer des investissements de 25 millions chez LM Wind Power, ainsi qu’en 2017 avec sa famille dans le parc national Forillon et à Percé. Justin Trudeau sera vendredi aux Îles-de-la-Madeleine; une première depuis son élection en 2015.
Voici en rafale d’autres sujets abordés en entretien avec Justin Trudeau, ainsi que ses réponses.
Sur le redécoupage proposé de la carte électorale fédérale, qui augmenterait la taille de la circonscription Gaspésie-Les Îles-de-la-Madeleine.
La Gaspésie, c’est plein de gens avec différentes appartenances, c’est pour ça que c’est tellement important que la Commission [de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour la province de Québec] écoute les élus locaux, les députés et les préoccupations pour qu’on ait une carte électorale qui a de l’allure pas juste de façon mathématique, mais qui reflète la réalité du terrain. De trouver l’équilibre entre cette réalité mathématique et une bonne représentativité est un défi.
Sur le recul du français au Québec et au Canada.
Ça m’inquiète en tant que Québécois et comme francophone. Oui ça me préoccupe. On entend les débats entre Ottawa et Québec sur comment mieux protéger la langue. C’est un dossier hautement politisé par certains partis, mais il n’y a pas un francophone partout au pays, au Québec ou ailleurs, qui n’est pas préoccupé par sa belle langue et son avenir. On n’a pas besoin d’avoir des chicanes politiques pour le faire; on va travailler ensemble. Notre rôle aussi est de s’assurer que les protections au Québec ne sont pas en train de nuire aux communautés francophones au Nouveau-Brunswick et ailleurs au pays.
Sur la décision de Pêches et Océans Canada (MPO) d’interdire la pêche au hareng de printemps et au maquereau, deux jours seulement avant l’ouverture de la pêche, afin de regénérer les stocks.
On devrait essayer d’éviter des chocs comme ça; c’est une question de communication, de planification, de respect aussi. C’est quelque chose qu’il faut améliorer. Ce sont des moments très difficiles pour les pêcheurs qui ont de grands défis. Il faut suivre la science, mais s’assurer d'être là pour les familles et d'une prévisibilité.
Sur la possibilité de rapatrier le phare des Cap-des-Rosiers du MPO vers Parcs Canada pour l’intégrer au parc national Forillon.
NDLR : Pour la seule fois de l’entrevue, le premier ministre a utilisé son miroir vers la députée Diane Lebouthillier, qui est citée ici. C’est très clair. Parcs Canada ne le reprendra pas. On va s’assurer qu’il soit sécuritaire et je le redis, le phare va m’enterrer. Les investissements du MPO seront dans les ports pour petits bateaux et dans le dragage. On y va par priorité.
Sur la possibilité de réinvestir dans le réseau ferroviaire si les 45 millions de dollars déjà engagés par Ottawa n’étaient pas suffisants pour se rendre jusqu’à Gaspé.
On est là pour être partenaires dans le développement et la réussite des régions du pays. En sept ans on a fait plus d’investissements en infrastructures, en transports et en connexions que n’importe quel gouvernement avant nous.
Sur ce qui semble être une affection naturelle pour la Gaspésie.
Lorsque mon père [Pierre Elliott Trudeau] s’est retiré de la politique en 1984, on est allés faire le tour de la Gaspésie quelques semaines et voir des amis qu’il avait à Percé. Ç’a été le premier voyage après son départ de la vie politique. On était juste une famille en vacances. On a tout fait de manière hyper normale et cette vacance familiale m’avait marqué. J’ai toujours associé l’accueil et la chaleur des Gaspésiens avec cette phase-là de ma vie. C’est quelque chose qui me tient à cœur.
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