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12 juillet 2022

Jean-Philippe Thibault - jpthibault@medialo.ca

Plus que 6 des 14 technologistes médicales aux labos de l’hôpital

GASPÉ

APTS

©Jean-Philippe Thibault - Gaspésie Nouvelles

Méganne Perry Mélançon, Sandra Étienne et Jenny Tardif.

L’équipe des laboratoires de l’hôpital de Gaspé s’est réduite comme une peau de chagrin en un an. Autant le syndicat que la députée Méganne Perry Mélançon craignent un bris de service imminent.

Il ne reste actuellement que 6 technologistes médicales sur les 14 que le département comptait récemment. Les 8 autres sont en arrêt maladie ou ont tout simplement décidé de réorienter leur carrière. « Le temps supplémentaire imposé et le manque de ressources poussent nos membres à l’épuisement. Ça fait des mois qu’on frôle le bris de service. La situation est très grave et intenable », lance d’emblée Jenny Tardif, elle-même technologiste médicale et aujourd’hui représentante nationale de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine pour l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS).

Incidemment, plusieurs employés ont dû mettre les bouchées doubles dans les dernières semaines pour éviter le pire. L’assistante-chef au laboratoire de Gaspé, Julie Joncas, a récemment dû travailler entre 95 et 98 heures aux deux semaines. Elle a aussi dû remettre ses quatre semaines de vacances aux calendes grecques malgré ses 29 ans d’expérience dans le réseau, en plus de troquer son quart de travail de jour au quart de soir, enchaînant les temps supplémentaires obligatoires. « On est très peu connus. On travaille dans l’ombre et les gens ne nous connaissent pas. Ça prend une promotion de notre métier; c’est essentiel », analyse-t-elle.

Julie Joncas

©Jean-Philippe Thibault - Gaspésie Nouvelles

L’assistante-chef au laboratoire de Gaspé, Julie Joncas.

Les laboratoires médicaux sont ouverts 365 jours par année à raison de 24 heures sur 24. Ils sont notamment essentiels pour les départements de chirurgie, de l’urgence, des soins intensifs, de l’obstétrique et de l’orthopédie. « Si on en perd un de plus, il va manquer de personnes pour couvrir la charge de travail. Ça serait extrêmement grave pour la population de Gaspé. Le personnel est très épuisé moralement et physiquement », renchérit Julie Joncas.

Une reconnaissance du métier

 

Cette promotion de la profession est au cœur des revendications de l’APTS qui a profité d’une sortie publique vendredi pour interpeller directement le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé.

Selon le syndicat, la faute du manque de main-d’œuvre incombe notamment à la réforme Optilab, qui visait à centraliser les analyses de laboratoire dans certains établissements. L’APTS est d’avis qu’à la suite de cette initiative, beaucoup de technologistes médicales se sont fait dire que les analyses intéressantes seraient effectuées dans d'autres régions, d’où le changement de profession pour certains ou carrément un désintéressement pour d’autres.

En Gaspésie, les hôpitaux de Maria, Chandler, Sainte-Anne-des-Monts et Gaspé, ainsi que les CLSC de Paspébiac, Grande-Vallée et Murdochville ont leur laboratoire serveur à l’hôpital régional de Rimouski. Présentement, les analyses spécialisées y sont dirigées alors que celles dites de routine (par exemple pour la glande thyroïde, l’anémie ou la glycémie) se font dans les laboratoires locaux. Les technologistes doivent, entre autres, effectuer des prélèvements, les préparer pour les tests et analyser les échantillons. Elles s’assurent aussi de la précision et de l'exactitude des résultats afin de permettre aux médecins de poser un diagnostic juste.
 

Les acteurs du milieu espèrent du même coup rapatrier toutes les analyses en Gaspésie. Le CISSS de la Gaspésie avait aussi exprimé ce souhait encore en 2020 pour reprendre la gouvernance entière de ses laboratoires médicaux, expliquant que la situation démobilisait les techniciens du réseau.

« Depuis cette annonce d’Optilab, il y a moins d’inscriptions au cégep en Technologie d’analyses biomédicales et moins de finissants [...] Ce qui a été annoncé en 2016 a découragé la relève et dévalorisé notre profession. Les analyses biomédicales sont associées à 85% des diagnostics en santé. Plus on les a vite, plus le médecin peut effectuer un diagnostic rapidement. Si rien n’est fait par le gouvernement, on s’en va tout droit à la catastrophe », estime Sandra Etienne, vice-présidente de l'APTS. D’autant plus que cinq ou six départs à la retraite sont prévus à Grande-Vallée, Murdochville, Gaspé et Chandler dans un horizon de cinq ans.

Question de recrutement

 

Onze cégeps offrent le programme, dont certains qui pourraient passer leur tour vu le manque d’inscriptions. Selon les chiffres fournis par le syndicat, seulement cinq finissants sont sortis des bancs d’école du Cégep de Rimouski en 2022, dont deux qui ont déjà quitté la région. La prochaine cohorte est toujours en attente du feu vert pour se lancer, en raison d’un manque d’étudiants.

Afin de remédier à la situation, il est suggéré d’inclure la formation en Technologie d’analyses biomédicales parmi les bourses Perspective Québec qui offrent jusqu’à 9000$ pour un programme de trois ans ou encore avec les bourses d’études du ministère de la Santé et des Services sociaux dont les sommes peuvent aller jusqu’à 30 000$.

« On ne comprend pas que ça ne se retrouve pas sur la liste des formations étant donné le besoin urgent », résume la députée Méganne Perry Mélançon, qui demande à Christian Dubé d’intervenir directement.

Du côté du CISSS du Bas-Saint-Laurent, on se dit « très préoccupé » depuis 3 ou 4 mois dans les laboratoires de l'hôpital de Gaspé en raison d'absences pour maladies et aussi de postes qu'on ne réussit pas à combler. « Ce phénomène de pénurie de main-d'œuvre est toutefois observable partout au Québec, selon le ministère de la Santé et des Services sociaux. Il y a un manque de relève, donc le recrutement est très difficile, surtout dans les régions dites éloignées. Pour l'instant, nous ne connaissons pas de découvertures en raison de la collaboration de nos employés mais on a dû réorganiser les horaires de travail, modifier parfois les tâches et nous avons mis en place un système de garde la nuit », explique par courriel le conseiller aux relations médias, Gilles Turmel. Un plan de relève est par ailleurs en place avec les autres installations de la Gaspésie (Chandler, Maria et Sainte-Anne-des-Monts) et pourra être utilisé au besoin. 

Le blâme n’est d’ailleurs pas dirigé vers l’établissement rimouskois, mais plutôt vers le haut de la pyramide décisionnelle de la province. « On a une très bonne collaboration avec le CISSS du Bas-Saint-Laurent qui prend la situation au sérieux, mais les solutions sont au-dessus de nous. C’est le ministère qui doit se pencher sur cette question, faire ses devoirs et apporter les correctifs », ajoute Jenny Tardif.

Récemment, le président-directeur général du CISSS de la Gaspésie, Martin Pelletier, a pour sa part assuré qu’aucun bris de service n’aurait lieu cet été dans le réseau de la santé, malgré quelques ralentissements appréhendés. Une affirmation qui a fait sourciller l’APTS. « Je dirais au PDG qu’entre la théorie et la pratique, il y a une bonne marge », conclut Jenny Tardif.

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