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19 août 2021

Jean-Philippe Thibault - jpthibault@medialo.ca

Les homardiers piqués au vif par Ottawa

PERCÉ

Homardiers

©Archives - Gaspésie Nouvelles

Depuis 2002, l’effort de pêche a été réduit de plus de 30% pour protéger la ressource tout en contribuant à une pêcherie plus rentable.

Le Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie craint que l’ouverture d’une saison de pêche commerciale aux homards à l’automne ne vienne rompre le fragile équilibre de la ressource et ruine des années d’efforts pour une gestion ordonnée. L’organisation dénonce aussi d’avoir été écartée des discussions avec Pêches et Océans Canada (MPO).

Le 13 août dernier, Ottawa s’est entendu avec la communauté de Listuguj pour que leur pêche automnale de subsistance soit transformée en pêche commerciale. L’entente touche 5 pêcheurs autochtones et un allochtone de la zone 21B, pour une durée potentielle de 14 jours en septembre. Le tout découle de l’Accord sur les droits et la réconciliation sur la pêche.

Le Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie dit croire en la réconciliation avec les peuples autochtones ou encore à la pêche de subsistance, mais espérait plutôt que les règles du jeu soient les mêmes pour tous les joueurs, à l’intérieur d’un dialogue ouvert.

« C’est un vendredi très noir pour l’industrie de la capture en Gaspésie. On va s’en souvenir longtemps des décisions gouvernementales qui ont été prises, sans aucune consultation, explique le directeur général O’Neil Cloutier. Pour se réconcilier, il faut qu’on puisse parler ensemble. Mais là ça semble limité. On est complètement en dehors de la game. » Ce dernier était accompagné en conférence de presse de 10 des 13 membres de son conseil d’administration et de plusieurs autres pêcheurs mécontents de la décision prise sans eux.

« Nous avons vu Pêches et Océans échouer dans le passé avec l’effondrement de la pêche à la morue et de d’autres stocks, ajoute le président Joël Berthelot. Maintenant, avec leurs négociations secrètes, leurs approches inconstantes et leur ignorance de la science, nous nous dirigerons vers une crise majeure dans les pêches qui aura un impact sur l’indépendance alimentaire du Canada et sur la santé économique des communautés côtières. »

O'Neil Cloutier

©Jean-Philippe Thibault - Gaspésie Nouvelles

O'Neil Cloutier, directeur général du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie.

Pêche nocive en septembre?

 

Le Regroupement lève surtout un drapeau rouge quant à la pêche commerciale automnale. « L’expérience avait été tentée en 1972 et ce fut un désastre le printemps d’après. On pense qu’on ne doit pas aller dans cette direction », ajoute O’Neil Cloutier. Le directeur scientifique du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie, Jean Côté, rappelle qu’un casier d’automne va récolter 7 fois plus qu’un casier de printemps, et que la démarche risque de nuire à long terme. « Les homards viennent de muer. Ils ont une plus grosse carapace avec moins de chair à l’intérieur. Ils sont affamés, avec moins de nourriture dans l’environnement. Ils vont être beaucoup plus attirés par les casiers et ils se précipitent. Et ils sont de moins bonne qualité. Ce qui est pêché à l’automne ne l’est pas au printemps. La durabilité, c’est ce qui nous inquiète. »

Les membres du Regroupement n’ont pas vu le plan de pêche et ne peuvent pas à ce point savoir si les règles seront les mêmes à Listuguj, comme la taille minimale et maximale des prises ou celles des casiers.

Ils craignent aussi que la démarche soit une boîte de Pandore puisque d’autres communautés autochtones voudront certainement elles aussi pêcher commercialement le homard à l’automne, au lieu de la pêche de subsistance actuelle. Le Regroupement rappelle de son côté qu’en 2019, avec le dossier de fermetures de zones de pêche en raison de la présence de baleines noires, les homardiers avaient refusé de prendre la mer en automne, de peur de mettre à risque la ressource. « On veut une pêche durable, rentable et pour encore plusieurs générations. C’est ça le malaise. On a dit au fédéral ne pas faire ça, mais ils l’ont fait quand même. On ne devrait pas exploiter un stock de façon commerciale deux fois dans la même année dans la même zone. Il y a d’autres solutions, mais encore faut-il pouvoir se parler. On reproche l’absence de consultations. Ça risque de nuire à 15 ans d’efforts. Les relations avec le fédéral et le MPO vont se détériorer, c’est clair pour nous. C’est très difficile de se voir imposer une telle décision à ce moment de notre histoire », conclut O’Neil Cloutier.

Le MPO n’a pas répondu à notre demande d’entrevue.

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