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30 janvier 2024

Jean-Philippe Thibault - jpthibault@medialo.ca

Sébaste et crevette : de vives réactions dans le monde des pêches

RIVIÈRE-AU-RENARD

Crevette

©Jean-Philippe Thibault - Gaspésie Nouvelles

Les quotas de crevette ne seront que de 3060 tonnes pour 2024.

Si tous saluent l’annonce tant attendue faite vendredi de la réouverture de la pêche commerciale au sébaste dans le golfe du Saint-Laurent après un moratoire de près de 30 ans, une certaine grogne est palpable au sein des principaux acteurs concernés.

La Coopérative des Capitaines Propriétaires de la Gaspésie (ACPG) estime que les paramètres actuels « n’assurent en rien un avenir aux pêcheurs et la solution ne permettra pas une transition viable. » Elle ajoute que l’inaction du gouvernement fédéral dans ce dossier « est déplorable » et pourrait mener certaines entreprises à la faillite. Diminution des stocks oblige, les quotas de crevette ne seront de leur côté que de 3060 tonnes en 2024, en nette diminution comparativement aux 14 500 tonnes de l’an dernier (dont seulement 40% a été pêché).

La Chambre de commerce de La Côte-de-Gaspé évaluait récemment entre 650 et 950 le nombre d’emplois directs découlant de la pêche aux crevettes dans le Grand Gaspé (capitaines, équipages, usines de transformation, chantiers navals, réparation, agrès, parcs à bateaux, etc.) et jusqu’à 1800 en comptant les emplois indirects.

Pour sa part, l’ACPG affirme que les ministres précédentes attitrées aux Pêches ont ignoré les recommandations de leurs propres scientifiques en se refusant d’ouvrir plus tôt la pêche commerciale au sébaste dans l’unité 1. Pour appuyer ses propos, elle cite des extraits d’avis scientifiques émis par Pêches et Océans Canada (MPO) de 2016 à 2023.

« L’augmentation massive de sébaste a des répercussions importantes sur l’écosystème. La prédation croissante contribue entre autres à la diminution de l’abondance de la crevette nordique de l’estuaire et du golfe du St-Laurent », lit-on par exemple dans un avis de 2018

Le pire scénario

 

Pour Bernard Bourgeois, le président de l'Association des pêcheurs de sébaste des Îles – une organisation créée en février – l’annonce de vendredi est difficile à avaler « Le retour aux bateaux-usines et aux méthodes du passé sont une preuve supplémentaire de l’hypocrisie libérale actuelle », analyse-t-il.

La semaine dernière à Rivière-au-Renard, le MPO a spécifié comment seront réparties les allocations de sébaste pour les différentes flottilles, toujours dans l’unité 1. Le plancher est actuellement de 25 000 tonnes, mais pourrait être appelé à augmenter selon les avis d’un comité consultatif qui se penchera sur la question.

Pour les allocations, la part du lion revient à la flotte d'engins mobiles hauturiers, soit des navires de plus de 100 pieds, qui obtient 58,7% des quotas. La flotte côtière d’engins mobiles, avec ses navires de moins de 65 pieds, reçoit 14,9% des parts. Les pêcheurs de crevettes de l'estuaire et du golfe du Saint-Laurent toucheront 10% des quotas, soit 2500 tonnes dans l’état actuel des choses.

« Nous avions proposé un scénario qui s’alignait parfaitement avec ces valeurs : l’allocation des quotas aux petites flottilles en difficulté aurait permis de protéger la ressource et également de soutenir les pêcheurs côtiers durement touchés. Pourtant, Diane Lebouthillier a annoncé le pire scénario », précise Bernard Bourgeois.

Vendredi, la députée et ministre expliquait que ce nombre de 25 000 tonnes de sébaste était en adéquation avec les capacités actuelles du marché dans une optique d’approche de précaution, disant ne pas vouloir jouer dans le même film que celui du moratoire de la morue en 1993. « C’est conforme aux recommandations scientifiques préliminaires du MPO, et ça constitue également la capacité maximale que l’industrie dit pouvoir transformer à ce stade-ci », expliquait-elle.

« Nous soulignons l’ouverture de la pêche commerciale au sébaste qui était très attendue depuis plusieurs années, note pour sa part Olivier Dupuis, propriétaire des Pêcheries Gaspésiennes. Nous sommes cependant préoccupés par la répartition de la ressource vers les corporations qui reçoivent près de 60% des quotas. »

Un plan sans avenir

 

L’allocation annoncée afin de soutenir les crevettiers est insuffisante, juge l’ACPG. Selon leurs calculs, en moyenne, un crevettier aurait environ 67 000 livres de sébaste et 60 000 livres de crevette en 2024. « Je m’attendais au pire et c’est pire que ce que je pensais. Je dois dire qu’aujourd’hui les crevettiers que je représente sont découragés », se désole Vincent Dupuis, représentant des crevettiers pour l’ACPG.

Selon l’Association, la proportion de permis corporatif va continuer d’augmenter au détriment des propriétaires exploitants (au Canada, un permis corporatif de pêche peut être vendu à 49% à des investisseurs étrangers). Le propriétaire exploitant est le seul qui puisse avoir un effet direct sur la communauté côtière, son développement économique, son occupation du territoire et sa vitalité à long terme, estime l’ACPG.

Quant à la prolongation de deux ans du Fonds des Pêches du Québec, elle se questionne sur la priorité accordée au sébaste. « Nous continuons de militer en faveur d’une approche écosystémique des pêches dans le Saint-Laurent afin que les décisions puissent être complémentaires les unes des autres. La situation que l’on décrie aujourd’hui est un exemple parmi tant d’autres des défis que l’industrie doit relever », conclut Claudio Bernatchez, directeur général de l’ACPG.

Claudio Bernatchez

©Jean-Philippe Thibault - Gaspésie Nouvelles

Claudio Bernatchez, directeur général de l'ACPG.

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